Focus sur Arte, Tomes 1 à 9

Genre : Seinen

Editeur : Komikku

Résumé du tome 1 : arte-1-komikku

Florence, début du 16e siècle.
Dans ce berceau de la Renaissance, qui vit l’art s’épanouir dans toute sa splendeur, une jeune aristocrate prénommée Arte rêve de devenir artiste peintre et aspire à entrer en apprentissage dans un des nombreux ateliers de la ville…
Hélas ! Cette époque de foisonnement culturel était aussi celle de la misogynie, et il n’était pas concevable qu’une jeune femme ambitionne de vivre de son art et de son travail. Les nombreux obstacles qui se dresseront sur le chemin d’Arte auront-ils raison de la folle énergie de cette aristo déjantée ?

Mon ressenti :

Zoom sur le tome 1

L’histoire se déroule au 16e siècle, à l’heure de la Renaissance, en Italie à Florence. Arte est le titre éponyme renvoyant au prénom d’une  jeune noble de 16 ans qui m’a déjà mise dans sa poche par son caractère. L’usage et les mœurs veulent que la femme vive pour plaire à un homme, qu’elle se marie et qu’elle vive à son crochet en cousant, et en s’occupant de tâches domestiques. Un avenir auquel Arte n’aspire pas du tout et tout son apprentissage afin d’être une bonne future femme lui laissait un goût fade qui se ressentait dans ses yeux, ce que son père préférait chasser en la laissant dessiner et peindre, seule activité qu’il voyait capable de l’animer.

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Ainsi considéré comme excentrique et seul rempart ayant permis à Arte d’apprendre le dessin et la peinture, au décès de son père, sa mère prend les devants afin de la faire trouver un mari car « c’est la seule manière d’être heureuse dans la vie ».

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Alors, ça m’a fait crisser des dents cette mentalité, même si je sais que c’était normal à l’époque et que ça existe toujours à l’heure actuelle chez certaines cultures mais voir justement Arte s’insurger contre ça et choisir sa liberté et son indépendance m’a rapidement fait l’apprécier, malgré les rejets qu’elle a rencontré par les nombreux artisans de la ville qui n’avaient pas voulu d’elle comme apprentie à cause de son genre. Pour cette unique et seule raison, sans même avoir  regarder ses dessins et estimer ses compétences.

Elle n’a pas baissé les bras, et ce premier tome s’est centré sur la démonstration de sa détermination, son courage, son obstination devant ses difficultés et ne pas laisser quiconque l’a casé dans la simple case de « frêle jeune femme », ce que son maître Leo, à l’air patibulaire, l’aide bien à intégrer, car loin de la traiter ainsi, il l’a traite comme une personne et lui remet autant des tâches ingrates que difficiles.

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Ma note pour le tome 1 : 17/20

L’histoire et les personnages

L’Italie est connue pour avoir été le berceau de la Renaissance, que ce soit par un style de surcharge décorative, par des éléments propres à l’Antiquité, la place de Dieu ou de l’Homme dans leurs différentes œuvres, leurs arts séduisaient et comme l’explique à un moment Kei Ohkubo, en faisant référence à la mort de Léonard de Vinci en France, il y a eu un italianisme très fort dans le pays des droits de l’Homme.

L’histoire nous faisant suivre les pas d’Arte qui souhaite devenir artiste peintre, c’est surtout les différentes formes que peuvent prendre son pinceau et son crayon qui sont mis en avant mais le décor des pages n’est pas pour autant dénué d’architectures et de sculptures propres à cette période, ou encore la forte présence d’érudits et même l’enjeu essentiel que représente d’être cultivé en tant qu’artiste afin d’attirer les mécènes les plus importants.

Les mécènes étant des gens déployant des aides financières par goût de l’intellect, des arts d’un artiste ou autres formes d’érudition représentaient pour certains le but ultime à atteindre. Ils souhaitaient souvent être placés sous l’aile d’un mécène important afin que leur talent soit reconnu, qu’ils deviennent célèbres et ne manquent de rien, ni de commande, ni d’outils de qualité. Ce point est d’ailleurs aussi subtilement abordé : bien qu’Arte soit de petite noblesse, son père avait veillé à ce que ses outils pour exprimer sa passion soient de très bonne facture et même si son maître Leo possède un petit atelier par rapport aux autres, elle n’a senti aucune différence avec ses instruments de travail : le fait étant que ce dernier n’hésite pas à se parer de guenilles et à jeûner afin d’acheter le meilleur possible pour satisfaire ses clients.

Ce qui est plaisant avec la narration de la mangaka, c’est que les informations utiles ou précises de ce temps sont subtilement apportées et permettent de s’instruire un peu sans avoir la sensation de lire une encyclopédie, tout au long de son récit, à travers la rencontre d’un panel de personnages qu’Arte va rencontrer, tous bien construits et facilement distinguables, attachants ou repoussants par certains aspects.

 Si au début Angelo pouvait paraître un brin sexiste, le fait qu’il soit le frère de cinq sœurs capricieuses expliquent pourquoi il a cette image avec les femmes et au contact d’Arte, il s’affine. Si Dacia a l’air brut de décoffrage, on se rend vite compte qu’elle est plutôt maladroite et a un bon fond, ce qui m’a ait l’apprécier car elle m’a rappelé Papriya de Bride stories qui est un peu du même genre (un air ronchon avec un cœur de miel). Si Ubertino, l’ami du maître de Leo semble acariâtre en plus d’avoir un soupçon de froideur despotique, on s’aperçoit vite que c’est un homme complètement nul en relations humaines mais qui fait de son mieux pour honorer une promesse faite à son vieil ami. Il en va de même pour Véronica la courtisane qui cache derrière un sourire de velours son fardeau de fer et de Leo et son air patibulaire mais soucieux pour son apprentie.

Quant à Arte, on pourrait dire que c’est la crème de la crème : elle s’émerveille devant les mains calleuses de couturières car elle admire le dur labeur des gens, elle admire une courtisane car elle respecte sa force d’esprit bâti par un sourire inaltérable qui cache de nombreuses choses, même si elle ne cautionne pas tout. Elle arrive à se faire respecter des hommes qui la dédaignaient et se faire traiter comme leurs égaux en prouvant sa valeur et qu’elle mérite sa place (mention spéciale à la partie où elle porte des sacs de matériaux et à celle où Leo la traite comme un âne de guerre à lui faire travailler sans pitié lors du grand projet fresco afin que tout le monde voit qu’elle mérite sa place, qu’elle est bosseuse et qu’elle ne se définit pas seulement à « être une fille »).

Arte tisse d’ailleurs une amitié au fil du temps avec pas mal de personnages, mais l’une des relations les plus marquantes est celle qu’elle entretient avec Véronica qui lui donne des conseils, des avis et partage son goût pour la lecture, ce qui est un aspect intéressant et féministe que j’ai apprécié car l’auteure montre que  même si de prime abord ce type de métier ne suscite pas l’admiration chez certains, le côté indépendant et fort de Véronica qui se charge de sa famille économiquement en portant tout sur ses épaules, lui, l’est. C’est un angle positif et mélioratif qui est montré par elle, tout en donnant un aperçu du revers de la médaille : quand le charme ne fait plus effet auprès des hommes, c’est la déchéance.

Franche, sérieuse, émotive, souriante, déterminée, courageuse, positive, persévérante noble qui fait des tâches de « domestiques » comme chercher le pain, puiser l’eau, faire la lessive, nettoyer es outils, Arte ne peut que plaire, sans paraître pour autant parfaite car elle a ses petits défauts bien a elle, c’est un manga qui place surtout le comportement et le fond humain, pour ne pas dire l’âme des gens, au centre.

 

 

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En passant de l’importance à faire attention avec les chandelles utilisées pour travailler tard le soir afin d’éviter un incendie lors d’un assoupissement, ou de la coutume voulant que la femme remette une dote pour son mariage à sa belle-famille, chaque élément contextualisant la situation à Florence est apporté. Et toujours par les us du mariage de cette période rappelant le régime de la patria potestas, il est rappelé qu’en plus de ne pas avoir le droit d’hériter lors du décès de son mari (en général, la veuve doit retourner sous l’autorité de son père), il est censé y avoir un retour de cette dote, mais parfois, les familles vénales ne le font pas pas. Dans une situation aussi délicate, il est en général impossible à la veuve d’obtenir gain de cause à moins de connaître quelqu’un de très influent : l’épisode avec Lusanna est une preuve encore du cœur en or gonflé d’altruisme d’Arte.

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Et sans doute dans une volonté de dynamiser son récit, la mangaka nous amène à Venise et nous fait brièvement découvrir d’autres cultures reconnaissables par leurs vêtements d’antan, tout en montrant que peu importe la partie de l’Italie, la mysoginie est enracinée.

Après Arte que j’apprécie beaucoup, je dois dire que le second personnage m’ayant fait un fort effet et que je place dans mes favoris est Caterina qui, si de prime abord semble immature et gâtée, se révèle être pleine de surprise, avec une histoire bien construite et expliquant son état de pensées actuel. De plus haute noblesse qu’Arte, elle aussi va à contre sens du temps dans lequel elle vie et où les aristocrates s’appliquent à consciencieusement se distinguer de la populace autant par leurs manières que les ingrédients composant leur nourriture, alors qu’il serait plus simple d’appliquer le bon vivre et de traiter tout le monde de la même façon sans considérer que cuisiner est une tâche pour les servants et ceux de basse naissance .

Allant avec la croyance de l’époque, il était dit que s’occuper d’un enfant après l’accouchement était nuisible pour le corps et c’est pour cela que les femmes avec une importante classe sociale confiait leur bébé a une nourrice qui l’amenait grandir ailleurs. Parallèlement à ce mode éducatif qui ne permet pas vraiment à un lien maternel et surtout affectif de l’enfant de se créer correctement et qui risque de le diriger vers la nourrice (qui, en tant que substitut finit par prendre la place de la mère biologique dans le cœur de l’enfant), avec Dafne, une servante des Fariel, Kei Ohkubo aborde le fait qu’il soit très mal vu d’avoir un enfant hors mariage. L’effet était celui d’avoir jeté le discrédit sur la famille, rendant la fille inapte à marier, menant à cacher la grossesse puis à envoyer loin la jeune mère, souvent, hélas, dépouillé de la chair qu’elle a engendré, sans son consentement, afin que la « faute » ne soit pas révélée. Ce même problème de relations pré-maritales jetant le déshonneur à jamais sur la fille, alors que « pour un homme ce n’est pas grave » avait aussi été abordé dans le neuvième tome, ne laissant à la sœur d’Angelo, Carla, que le choix des ordres (suite à une histoire qu’il vous appartient de découvrir !)…

En ayant remis la bataille intérieure d’une illégitimité ressentie par Arte sur le tapis par le fait que sa position de noble et de femme semble lui être parfois des atouts de taille afin d’avoir du travail auprès des aristocrates, elle quitte Venise et repart pour Florence, lieu où ses nombreux amis ressentent son absence et sont impatients de la revoir, même Leo qui reste assez neutre en expression mais qui n’en reste pas moins concerné par un petit tourment intérieur. Et une nouvelle question essentielle surgit :  « qu’est ce qu’un bon travail ? »

Essentielle car cela fait prendre conscience à Arte que le succès et la renommée semblant être le saint graal de tout artiste n’est pas forcément ce qui mène au bonheur de tous et n’est pas nécessairement l’objectif à accomplir pour être heureux d’exercer la profession. Cela est plus intime et diverge selon les personnalités : Leo est satisfait dès lors que le client l’est et qu’il pare sa table de mets. Arte, elle, se rend compte que ce qui lui réchauffe le cœur est le sourire de ses clients, surtout ceux ayant un manque de confiance en eux et qui, se voyant dans le portrait, prennent conscience qu’ils ont une image trop négative d’eux même. Cette même question se retrouve aussi dans le dernier tome paru de la saga, pour Angelo, qui tente de se trouver un patron afin de mieux vivre de son art, sans grand succès, se demandant ce qu’il veut faire et tentant de prendre exemple sur la force d’âme d’Arte pour avancer, tout comme Darcia qui, de son côté avait vu ses efforts pour s’instruire payer, avant d’avoir la sensation qu’ils ont été balayés.

Ce neuvième tome place aussi Arte dans une situation nouvelle : une invitée de marque est arrivée à Florence, et en tant qu’aristocrate et femme artiste, le cardinal Silvio va la faire mandater pour une mission n’ayant rien à voir avec l’art, mais qui donnera envie à notre jeune apprentie de lui rabattre son caquet de la plus belle façon qui soit….

Alors, hâte de lire le dixième tome !

Vous avez pu le voir, Kei Ohkubo a un bon trait, si certains décors restent assez vagues, tout comme ses présentations de plats, lorsqu’elle veut monter quelque chose, elle y met des détails, notamment pour les croquis de bijoux ou encore les portraits que dessine Arte.

 

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Affinités : 

Lisez ce manga si lire un titre féministe vous intéresse, si des détails sur la manière de faire un portrait (bijoux seyant le mieux à la personne, grain de peau, finesse des courbes du visage, des épaules ou des mains) ou encore la différence entre les artistes religieux et les autres vous intrigue, que vous aimez lire des mangas aux dessins soignés, que voir des femmes fortes et libres d’esprit vous titillent et si vous aimez plonger dans de l’Histoire distillée, mais surtout dans l’Art.

Ma note pour l’intégralité : 16,5/ 20

Teaser :

Le tome 10 de Arte sort le 9 juillet 2020 chez Komikku !

17 réflexions sur « Focus sur Arte, Tomes 1 à 9 »

    1. Merci 😁 contente d’y revenir aussi, surtout après 2 mois de silence
      Bon appétit, je dois aussi déjeuner avant mon premier cours, puis avancer dans mes nombreuses chroniques en cours pour lire tranquillement ce que j’ai raté 🤞

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      1. J’ai pris le temps de lire l’article maintenant finalement, car j’ai mangé rapidement, et ça me fait encore plus envie. Les points que tu abordes et les thématiques qui transparaissent me parlent bien.
        9 tomes à rattraper, ce n’est pas énorme en soi, mais je crois que ce sera quand même pour plus tard, je n’arrive déjà pas à m’en sortir avec toutes mes séries en cours.

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      2. Mdrr c’est vrai mais t’as pris la relève (même si je suis plus jeune que toi on fait quand même la passation du flambeau🧓🔥). Je parle que de mes obligations de fac mais il y a tant d’autres choses qui bouffent mon temps qu’un jour mon départ sera pour de bon 🙁
        Mais ! Avant ce jour je continuerai à fureter un max sur les blogs et à partager mes lectures 🤞

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      3. Oui, je comprends.
        Moi avec la reprise du travail et le bébé, je vais être moins actif. J’ai poussé à mort ce mois ci parce que j’avais plein d’idées d’articles, mais à partir du mois prochain ça va se calmer. Je souhaite quand même maintenir un rythme de 3 articles par semaine, voire 4 si possible.

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    1. Tu te doutes, j’ai mis les points qui m’ont paru les plus essentiels et positifs du manga en avant, mais tu as bien raison : c’est vraiment bien ! Même si mon cœur place toujours Bride stories en premier. D’ailleurs, je dois terminer l’article Focus que j’écris dessus car mes anciennes chroniques qui sont plus des avis à l’arrache je trouve, ne rendait pas grâce au manga.

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