En proie au silence, Tome 1 :un manga fort et réaliste sur le viol

Genre : Seinen

Editeur : Akata

Résumé : en-proie-silence-1

Misuzu exerce ce que certains appellent le plus beau métier du monde… Mais entre le désintérêt de ses élèves et surtout la blessure qu’elle porte en elle, la jeune femme essaie tant bien que mal de mener son existence, la tête haute. Hélas, quand Minako, sa meilleure amie, lui annonce ses fiançailles avec Hayafuji, son petit ami de longue date, le quotidien de cette professeure vacille pour atteindre, peut-être, un point de non-retour. Pourra-t-elle trouver son équilibre dans une société si foncièrement inégale et injuste ?

Mon ressenti : 

À la fin de ma lecture, je ne savais pas si j’avais aimé ou non « En proie au silence ». Pourquoi ? Sans doute du fait que les thèmes abordés sont durs, dérangeants et que personne n’est tout blanc ou tout noir.

Œuvre très engagée, le ton est cru. À travers Misuzu, cette professeure qui ne s’implique pas plus que nécessaire dans son cercle de travail ou envers ses élèves, aux réactions la faisant paraître ingénue, on verra sur divers plans des interactions humaines. Des relations de force.

C’est ce qui m’a fait la plus forte impression. Il ne s’agissait pas de relations sociales à mes yeux (bien qu’il s’agisse du terme générique). Je préfère employer le terme de relations de force car que ce soit dans le milieu scolaire dans lequel, à travers les yeux analystes de Misuzu, on voyait une lutte entre les élèves pour gravir une pyramide sociale bien codifiée, ou encore dans son cercle personnel, où là aussi apparaissaient des types de profil conformistes ou déviants, c’était de ça dont il était question.

Les relations de force étaient sans cesse chamboulés. Que ça soit entre un groupe de fille, un homme et une femme, deux amies adultes ou un professeur et son élève, l’autrice a montré combien dans chaque repère/milieu/situation, il pouvait y avoir des dominances préétablis et imposées.

Les causes de cet ordre social, et plus exactement, le fait qu’une personne ne soit pas en situation de force sont nombreuses. Ce peut être parce qu’elle est d’une nature plutôt passive, réservée, naïve, timide, introvertie, qu’elle ne sait pas dire non et s’imposer ou qu’elle est si effacée que tout le monde lui marche sur les pieds. L’atmosphère, l’ambiance, le caractère de ceux constituant l’environnement également ont un rôle. Autrement dit, des facteurs intrinsèques et extérieurs s’opposent, s’ajoutent, se compensent ou se complètent pour modeler les relations de chacun. 

À vrai dire, j’étais loin d’imaginer lire ce que j’ai vu dans cette œuvre. Certes, je m’attendais à de la misogynie, du sexisme et le dur thème du viol, oui, mais le manga a un champ d’action plus large. Il traite du harcèlement, du chantage, des rumeurs et leurs effets, l’aspect distant et pervers de l’institution éducative qui, loin de s’en faire du bien-être des élèves, préfère sauver sa réputation.

Il y a aussi eu les violences physiques, verbales, morales. Les contraintes émotionnelles, le poids de la culpabilité reposant systématiquement sur la victime. La spirale d’excuse dans laquelle elle glisse, persuadée que tout est sa faute alors qu’elle n’a rien fait de mal. Et puis l’horreur. Le tableau glaçant qui reflète une femme se taisant depuis 4 ans, à subir des abus, ne pas se révolter, en proie à une atmosphère de constriction, au silence imposé, à la peur des retombées.

C’est principalement ce dernier point, qui m’a choqué. Dès le début du tome, par le langage du corps de Misuzu, ses réactions, j’avais compris que le fiancé de sa seule amie serait le poison de sa vie. Je n’imaginais seulement pas qu’il l’avait déjà été et qu’il continuait à l’être.

C’est un aspect douloureux et perturbant que la mangaka a tissé dans son histoire. Qui montre que parfois, la plaie continue de s’étendre et d’être creusé un peu plus au quotidien parce que le monstre ne s’éloigne pas de sa cible.

Ajoutant du relief, et complexifiant la psyché de ses personnages, je trouve qu’ils ne sont pas créés pour obtenir notre pleine et entière compassion ou sympathie. 

C’est un bout de la société défaillante telle que nous la connaissons et dans laquelle nous évoluons qui prend vie sous nos yeux, montrant les différents acteurs. Des victimes aux multiples visages, des bourreaux et leur audace déplacée, et je dirai même les évolutions sur le marqueur psychologique. Cassée, apathique, Misuzu aussi, avec conscience car elle l’a vécu, en déversant sa colère justifiée sur la mauvaise cible, a fait montre d’un profit sur une personne en position de faiblesse. Et cette dernière, Niizuka, qui de prime abord paraissait relativement équilibré, vu la fin, se révèle être tordu sur les bords.

Il faut lire pour comprendre combien ce manga est un triste reflet de ce que vivent certains, surtout dans la société japonaise très patriarcale où les femmes sont tannées à devoir s’intéresser aux froufrous et au mariage. Comme si elles ne pouvaient exister qu’à travers cela. Dans cette société où le silence est d’or et où les victimes d’abus sexuels et viols ne portent presque jamais plainte, c’est un aspect peu reluisant du Japon mais bien réel qui est transmis.

Affinités :

Vous l’aurez compris, par tous les thèmes difficiles abordés qui sont dépeints de manière réaliste et ce bout de notre société (ce qui se passe au Japon est universel, aussi bien en France que dans les pays où le taux d’IDH est élevé et le taux de criminalité très bas) auquel on est confronté, le manga s’adresse à ceux avertis. Il n’y a pas encore de fil conducteur bien défini, et le ton particulier, mais le message qu’il fait passer est important.

Comme le dit Slate; « En proie au silence » est un manga au cœur de la zone grise (ici)

Ma note : 16/20

Teaser :

Le tome 2 d’En proie au silence sortira le 9 avril 2020 chez Akata !

11 réflexions sur « En proie au silence, Tome 1 :un manga fort et réaliste sur le viol »

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