Poison city, Tome 1

Genre : Seinen

Editeur : Ki-oon

Résumé : poison-city-1-ki-oon

Tokyo, 2019. À mois d’un an de l’ouverture des Jeux Olympiques, le Japon est bien décidé à faire
place nette avant de recevoir les athlètes du monde entier. Une vague de puritanisme exacerbé
s’abat dans tout le pays, cristallisée par la multiplication de mouvements autoproclamés de vigilance citoyenne. Littérature, cinéma, jeu vidéo, bande dessinée : aucun mode d’expression n’est épargné.
C’est dans ce climat suffocant que Mikio Hibino, jeune auteur de 32 ans, se lance un peu naïvement dans la publication d’un manga d’horreur ultra réaliste, Dark Walker. Une démarche aux conséquences funestes qui va précipiter l’auteur et son éditeur dans l’oeil du cyclone…

Mon ressenti : 

Poison city, une série en 2 tomes chez Ki-oon  est un manga semblant conter une double histoire lourdes de questions importantes.

La couverture et le titre sont trompeurs : « Poison City » avec une personne portant un masque à gaz laisse supposer que les personnages devront faire face à une épidémie.  Les premières pages montrent un individu dévorer un autre mais ce n’était qu’un petit toc du mangaka pour nous surprendre. Retour à la réalité : il s’agissait de l’introduction de la Mikio Hibino, un jeune mangaka, personnage principal de Poison city qui est en train de proposer son histoire à un éditeur. Il lui explique qu’il s’agit d’hommes contaminés par un virus leur faisant dévorer autrui, avant qu’ils ne rentrent chez eux normalement sans se souvenir de quoi que ce soit.  Clairement du genre horrifique, l’histoire plait à l’éditeur qui englouti donut sur donut tant il est immergé dans l’histoire. Pourtant,  il lui fait  une dérangeante recommandation par la suite : pourquoi ne pas dire que ces hommes sont en fait des zombies, des non-vivants, afin d’amortir le côté choquant et perturbant de l’histoire ? 

Le jeune mangaka, écoutant le fait qu’il lui explique que le climat actuel au Japon n’est pas favorable à ce genre d’histoire et qu’une vague de censure a débuté par une commission de bonnes mœurs y consent, se disant qu’il vaut mieux cela pour être publié que rien du tout. D’autant plus qu’ainsi, il risquerait moins de passer sous la loupe du comité d’éthique. Le comité n’épargne rien : même des oeuvres d’art connu à travers le monde se voient détruites afin que l’image du Japon soit si lisse qu’elle en devienne insipide. 

C’est pourquoi j’ai dit qu’il s’agit d’une double histoire, régulièrement, Tetsuya Tsutsui fait des parallèles entre ce que vit le personnage de Mikio et lui-même, comme la réalisation du changement de leur monde et de l’ambiance pesante qui s’y installe.

Publié en 2014 au Japon et paru en 2015 en France, l’histoire se déroulait dans un futur proche, à savoir les JO de 2020 au Japon. L’auteur n’a pas choisi ce contexte sans but, ça lui permettait en background de « justifier » les élans de censure. Et surtout de parler de la censure qu’il a lui-même été victime et qu’il n’avait entendu parlé que des années plus tard (ce qu’il explique à la fin de son récit).

Cette oeuvre est donc assez personnelle, mais elle montre intelligemment à quoi peuvent être confronter des auteurs, des créateurs, tous ceux travaillant dans le monde de l’art, et qui se voient confronter au « politiquement correct ». Qui ne peuvent voir leur histoire publié si dans le réel, leur société a connu un acte criminel qu’ils racontent. Pire, parfois, ils peuvent même se voir accuser et détruit socialement à cause de leurs œuvres. Il suffit qu’un déséquilibré commette un acte répréhensible pour x raisons, si on trouve le livre d’un auteur raconter le même moyen avec lequel il a commis son crime ou son délit, ce sera aux yeux de la société, l’auteur le coupable. 

Vous savez ce que cela entraîne ? La mort sociale, un auteur ayant connu cela devient alors un « simple » dessinateur sous pseudonyme, personne ne voulant éditez ou mettre dans son magasin une livre jugé nocif d’un auteur considéré également comme nocif.

J’ai beaucoup apprécié ce thème car aimant lire et d’autres formes d’œuvres, m’ennuyant quand tout est trop beau et propre, je me demande ce que serait l’art si tout devait respecter le code des bonnes mœurs, si la violence devait être définitivement supprimée, si on devait tous se mettre dans une boite imposée par la société afin d’être de « bons citoyens » ? Dans un autre cas, comment choisir ce qui serait censuré ? Sur quels critères ? Doit-on tout laisser couler sous prétexte de la liberté d’expression, de création et d’art ? Non, bien sûr que non. En général, ce sont les lois et les règlements qui décident ce qui est d’office interdit : encore heureux qu’on interdise les écrits faisant l’apologie de certains crimes. Mais ou placer la limite ? Que laissez passer ? On peut transposer ça à divers genres : la dark romance par exemple (où souvent le viol est banalisé comme si c’était un élément non répréhensible). 

Par ailleurs, Tetusya Tsutsui montre qu’il a fait des recherches : un éditeur américain intéressé par l’oeuvre de Mikio s’envole pour le Japon et voit l’ambiance tendue qui y règne, ce qui lui rappelle les sombres années qu’ont connu les Etats-Unis, après avoir fait un gigantesque autodafé de plusieurs œuvres de comics jugées mauvaises, par la propre jeunesse du pays. Créant alors les oeuvres de DC et Marvel que nous voyons : les super-héros contre les vilains. Il voit que c’est sur ce chemin que glisse le Japon, à voir dans le tome 2 ce qu’il en sera !

Affinités : 

Même si on peu voir cette oeuvre comme une revanche de l’auteur et que la commission est surtout menée par un homme qui a une dent de rage contre les mangakas, et qu’au final, cela donne plus une dimension de vengeance personnelle et non de sincère censure pour le « bien », il évoque des thèmes très importants que je vous invite à découvrir dès lors que l’art sous ces formes vous plait et que la censure vous fait avoir le dos rond. 

La censure existe partout sous différentes formes et à divers degré, le CSA représente une forme en France, les critiques et journalistes qui appellent au retrait de certains films (comme le Joker) en sont une autre, même la population qui va signaler une publicité de protection d’hygiène de Nana (et qui généralement comptent des personnes non concernées par la publicité) constitue une autre forme. Et il faut se demander si vraiment, l’art ne doit se cantonner qu’à ce qui est « propre » pour plaire ?

Ma note : 16/20

 

12 réflexions sur « Poison city, Tome 1 »

  1. C’est une histoire que j’avais beaucoup aimé à l’époque parce qu’elle interroge sur ce que nous acceptons ou pas en fonction de l’ambiance sociétale. La censure est un instrument très dangereux. Nous en avons un parfait exemple avec les GAFA qui censurent systématiquement les tétons féminins au point de supprimer des oeuvres d’art majeure comme la Liberté de Delacroix.
    En fait cette histoire nous pousse à réfléchir et ça c’est génial !

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    1. Tout à fait
      Et je tiens à m’excuser si tu t’es sentie ghost, j’ai pas reçu de notification pour de nombreux commentaires sur divers articles là, comme je l’explique plus bas.
      Merci d’avoir pris le temps de partager ton avis avec moi

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  2. J’avoue qu’entre la couverture et le titre je n’avais pas poussé plus loin et je ne savais pas du tout que ça parlait de ça. Maintenant, je suis intriguée et je me note donc cette série à découvrir ! Merci 😀

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    1. Pfouuaah, mais mon appli à un srx pb c’est pas possible. T’es genre le 5e commentaire sur j’avais pas vu faute de notif. Je cherchais un truc sur mes articles et j’ai vu les coms sans réponse. Désolée du coup (même si ça t’es sortie de la tête je réponds toujours normalement. Ben du coup, contente de t’avoir intrigué. Moi aussi j’avais pas cette impression avec la couverture. (vraiment navrée) 😩

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      1. T’inquiète pas, j’ai aussi des problèmes avec les notifs parfois et même sans ça, on n’a pas toujours le temps de répondre parfois la vie nous en empêche, alors no soucy 😉

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