Je ne suis pas un gay de fiction : la déconstruction du fantasme de l’homoromance

Genre : Young novel

Editeur : Akata

Résumé : je-ne-suis-pas-un-gay-de-fiction-3d

Jun est lycéen, et il est gay. Bien que vivant caché, il sait parfaitement qui il est. Fan de Freddie Mercury, il fréquente un homme plus âgé que lui… et marié ! Son seul véritable confident, Mister Farenheit, est une connaissance d’internet avec qui il discute via les réseaux sociaux. Mais quand un matin, au détour d’une librairie, il croise Miura, une de ses camarades de classe, en train d’acheter un manga homo-érotique, son quotidien va petit à petit s’effriter. Car cette dernière, fan de « tout ce qui est homo », ne voit pas l’évidence devant elle. Petit à petit, la lycéenne va tomber amoureuse de Jun… Ce dernier, prêt à tout pour entrer  dans le moule et obtenir un bonheur « comme les autres », va essayer de répondre à cet amour. Combien de temps pourra-t-il entretenir ce mensonge  ?

Mon ressenti : 

Vous savez que je lis beaucoup de livres M/M, ce qui fait que je voulais découvrir ce roman qui concrètement, brise le « fantasme » de ces histoires et laisse entendre un côté plus dramatique.

Tout d’abord, il est ressorti de ma lecture de ce livre qu’il aborde des thèmes divers et complexes sans enjolivement et parfois avec un certain côté cru. L’éditeur avait mis en garde que ça pouvait être difficile pour certains lecteurs. Ce n’est pas un roman traitant d’une jolie romance entre deux homosexuels souvent écrite de nos jours, assez déstabilisant parfois et négatif sur certains bords, Naoto Ashara montre un autre angle possible.

Jun Andô est un élève de première au lycée et rencontre dans une librairie de Shinjuku une fille de sa classe achetant un BL. Moment mortifiant pour elle, elle lui fait promettre de n’en parler à personne avec une véritable nervosité tandis que Jun, un peu blasé mais curieux, feuillette le manga en émettant des critiques sur son manque de réalisme : « c’est sa première fois et il n’a pas eu mal ». « De la salive à suffit ». « Ils font ça en pleine classe sans rien pour s’essuyer ». « C’est rentré comme dans du beurre ». Et j’en passe. 

J’ai ri à cette partie parce que c’est vrai. Et je suis bien consciente, vu toutes les années que j’en ai lu, que c’est très loin de la vérité. Jun s’est fait la remarque plus tard en lisant une multitudes d’œuvres de BL de Miura (la fille de sa classe) qu’il y avait « beaucoup trop d’homos » dedans. Effectivement. C’est un point où pêche les yaoi ou autre : il y a souvent une grosse proportion d’homosexuels, parfois tant que ça n’est pas crédible (je pense à Tendre Voyou en disant ça où quasiment tous les personnages rencontrés le sont). Mais c’est fictionnel, et c’est justement pour bâtir une romance ou de l’érotisme qu’il y a en tant. J’ai toujours été consciente de ces divers défauts et parfois travers de ces œuvres, mais j’en lis toujours.

Hormis cette critique sur le manque de réalisme des œuvres BL et le fait que Miura ait perdu toutes ses amies au collège quand ça s’est su et qu’elle ait été isolée et mal vu, ce qui fait qu’elle craignait qu’il n’en parle au lycée, ce roman va montrer les dilemmes, difficultés, douleurs et pensées que peuvent avoir les « vrais homos ». 

Ceci risque de briser la vision de certains et même de les déranger et de les déplaire. Ne sachant comment trouver son semblable, une application de rencontre qui géolocalise afin d’avoir une « baise rapide » existe mais trop risqué, Jun n’y a pas recours. Il préfère utiliser un forum où il a d’ailleurs rencontrer son petit ami, Makoto. Ce dernier est âgé d’une quarantaine d’années, est père de famille et a un sérieux problème. Appelons un chat un chat : il est pédophile et incestueux. C’est son désir interdit envers son fils qui l’a poussé aussi sur des forums afin de rencontrer un jeune homme qui voudrait bien l’appeler « papa » pendant l’acte.  Vous l’avez compris, c’est l’un des thèmes particuliers de l’histoire, mais l’auteur ne le balance pas comme ça sans rien en faire. Il montre à travers cela quelque chose d’important et de grave : pour être considéré comme étant « normal » dans la société, un homosexuel capable de faire l’amour à des femmes, sans être bi, fondera une famille, mais aussi parce qu’il a tout simplement envie d’atteindre ce bonheur. Autre point : certains homosexuels ne sont pas biologiquement capable à tenir ce faux tableau, ce qui les condamnera à ne pas atteindre cette part de liesse qu’ils désirent pourtant.

Comme le cas de Jun le montre, il veut atteindre les choses simples de joie que compose la vie d’un hétérosexuel, se maudit d’être né gay, et essaie de changer en sortant avec Miura qui ressent des sentiments pour lui sans se douter qu’il est homo. Par ce biais, l’auteur montre le privilège de pouvoir s’afficher facilement dans n’importe quelle société car c’est considéré comme étant la « normalité », mais comme le dit Mr Fahrenheit, un personnage que j’ai beaucoup apprécié pour ses réflexions, « définis la normalité ».

Jun va tenter d’être une « chauve-souris » une personne qui se fond dans le camp qui lui permettra d’exister même si c’est trahir l’essence de son identité. Rien de beau : les femmes sont utilisées comme écran de fumée contre l’homophobie sociétale. C’est affreux de jouer avec les sentiments d’une personne pour son intérêt personnel, l’avoir sous les yeux rebute, mais des cas similaires existent vraiment.

Même si je n’excuse pas la méthode, entendre à quel point ils ont sincèrement essayer d’aimer leur femme pour ne pas être moralement abject et rentrer dans le moule, crée l’empathie. Quand on voit certains commentaires et actes homophobes, il est facile de comprendre pourquoi il le font. Que ce soit dans le cercle d’amitié, la famille ou ailleurs, cette annonce change toujours quelque chose. Le problème est bien là, on ne devrait pas avoir à annoncer sa sexualité comme si on annonçait une maladie incurable. Cela dénote à quelle point la société est formatée à un stade précis, et  bien que le contexte soit le Japon moderne, ce n’est pas une grande différence avec la France où malgré le mariage pour tous depuis 2013, le concept n’a pas disparu.

Ce qui m’a plu dans ce roman, c’est donc le sans filtre dont l’auteur fait preuve, les aspects abordés, les interrogations de ce jeune homme qui n’aspire qu’à vivre heureux mais qui se sent si épuisé à cause de cette charge mentale qu’il préfère tout garder pour lui, et l’aspect percutant de certaines paroles. Je n’ai pas connu les musiques citées mais par l’ambiance du passage, j’ai tout de même trouvé cela marquant à sa manière, me disant que si j’avais su, la musicalité m’aurait emporté.

 Je salue le fait qu’il n’ait rien de parfait : il a fait des choix douteux, impardonnables, allant contre la morale et bâtissant régulièrement un profil dédaigneux de lui, il n’attire pas toujours la sympathie. Mais parfois, notamment quand il provoque pour être puni car il voit qu’il a fait du tord et estime qu’il faut purger sa peine, on peut avoir de la compassion pour ce jeune homme torturé.

Affinités : 

Je n’ai pas cité tout ce qu’il y a de particulier ou dérangeant dans cette histoire que j’ai apprécié dans l’ensemble et trouvé bien rythmée. Il appartiendra à chacun de se faire sa propre opinion si on veut lire la torture existentielle d’un jeune homosexuel qui ne sait pas comment vivre dans une société où ce n’est absolument pas toléré.

Ma note : 15/20

8 réflexions sur « Je ne suis pas un gay de fiction : la déconstruction du fantasme de l’homoromance »

  1. L’auteur a l’air d’avoir fait un très bon travail sur sa thématique. J’aime lorsque l’on n’utilise pas de filtres et que la psychologie du personnage est percutante. Et cela semble être le cas (en plus d’avoir un récit rythmé). Tu m’intrigues.^^

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    1. On a parfois envie de secouer quelques personnages et toutes les réactions n’apportent pas notre compassion et parfois même crée l’incompréhension mais ils sont fidèles à ce qu’on connaît d’eux au bout d’un moment. Peut être que ta média l’aura par la suggestion d’un fan d’akata

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